Tout ce qui brille n'est pas or
C'est le cas de Citronille.
L'accroche se fait par un "packaging old school", des images entre la paper doll et les illustrations de Lisette, une calligraphie appropriée, des photos léchées.
Je sais bien, moi même j'ai acheté les fameux "Intemporels" qui ont fait partie des frénésies de la blogosphère, et qui la font encore dans les versions enfant et tricot. Ça c'est un joli livre, les planches à patrons sont aérées, le report aisé, les explications ont l'air détaillées. Et puis on se laisse attraper tout de même par la photo de la petite poupée blonde dans sa guimpe en Liberty, ça aurait un petit côté madeleine Proustienne, ou du moins dans les fantasmes des adeptes des choses vintage, comme on dit aujourd'hui.
Deux choses me chiffonnent dans tout ça. Je fais pénitence. Tout d'abord l'aspect réactionnaire de tout ça. Même si je reconnais que le Liberty est tout de même une matière superbe, tant dans la finesse de la popeline que dans la qualité d'impression des motifs, qu'ils me plaisent ou non d'ailleurs. Mais la nostalgie du tableau noir et de la poussière de craie sur les blouses, des "bons points" (quelle horreur!), des culottes courtes, du tableau d'honneur et de la plume sergent-major, franchement? C'est oublier tout ce qui se cachait derrière ce venis "si joli". Quelle était la condition de la femme à cette époque?
Quelle était la condition des enfants, des familles non bourgeoises à cette époque? Si on dit que l'habit ne fait pas le moine, du moins il y contribue. Quelle image va-t-on projeter sur ces "enfants sages" à l'extérieur? Sur leurs parents? Quelles sont les implications de tout ça?
Et pour sortir de l'aspect "politique et Citronille", parlons technique. J'imagine la pauvre fille qui n'a jamais cousu, elle achète son premier patron à Mme Le Provost, attirée par tout le sus-cité ou encore entraînée par la folle frénésie d'Elsie ou de Balthazar. Ce qu'elle ne sait pas encore, la malheureuse, c'est qu'elle vient de faire l'acquisition d'un des patrons les plus mal coupés du marché! Pardon, d'un des patrons de la marque présentant la proportion la plus hallucinante de patrons mal coupés. J'en veux pour preuve non seulement ceux que j'ai essayés, mais aussi toutes les notes lues de ci de là parlant de "bidouillage", "ajustement", "reprise", sans parler de celles dont les essais finissent à la poubelle, ou complètement recyclés (vu le prix de la popeline anglaise, ça fait mal de mettre direct dans la trash bin). Parce qu'en plus, les pauvres, elles s'imaginent que ça vient d'elles les problèmes! Eh bien oui, elles ne savaient pas coudre avant, elles manquent de pratique, de technique, et puis tout de même, ça se saurait si c'était nul ces patrons... Pression bloguesque aidant (Citronille, ça fait monter les stats tout de même!) on n'ose pas dire, sinon du bout des lèvres, que vraiment il y a un bug dans le modèle. Sauf evidemment quand c'est énorme, genre confusion des tailles entre le 6 mois et le 3 ans. Mais les emmanchures, franchement les emmanchures!!! Elle n'a jamais vu un patron digne de ce nom pour oser vendre des formes de manches aussi aberrantes!
En revanche, celles qui disent "ah non, vraiment merci mais non merci" à cette mode sont souvent des couturières ayant de la bouteille, s'étant fait la main sur des Burda certes moins "sexy" "trendy" ou "vintage" (quoi que) mais au moins carrés. Parfois des variations, mais rarement au delà de 2 mm. Et qui n'ayant peur de rien se sont mis à ce que je considère comme la "rolls", ou du moins comme un vrai bonheur à travailler (car je n'ai pas tout testé dans les marques de patrons pour enfants loin de là) : Ottobre design. Ah oui, c'est plus coloré, plus acidulé, les modèles sont... décomplexants pour reprendre les mots d'une copine, bref on est loin des tons douçatres et des petits enfants blonds aux yeux bleus. Et franchement MOI j'aime autant. Mais surtout ça tombe JUSTE. Je suis abonnée depuis 2004, et j'ai eu affaire à deux patrons mal taillés. Deux. En cinq ans. Avec une quarataine de patrons par trimestre voire plus. Et là pas de chichis, c'est clair, net, précis. Pas de marques inutiles, pas une pièce qui manque. Des explications claires. Ah oui, c'est sûr, ce n'est pas (encore) diffusé en français. Mais je sais que la blogueuse n'a pas peur de la barrière de la langue, qu'elle va sur Ravelry, qu'elle coud japonais...
Je vous le dis les filles, arrêtez de vous faire du mal, arrêtez Citronille!
Préférez un bon vieux Burda Easy par exemple pour démarrer, histoire de se faire la main sur une salopette ou une robe chasuble, et après un dernier conseil : ne vous fiez pas au tissu choisi, à la jolie photo ou à l'affreux maquillage de Christiane F, l'important c'est la coupe.